Neilien

Association d'Arts Martiaux Traditionnels

Jiang Rong-Qiao ( 姜容樵 )

Maître Jiang Rong-Qiao est né le 25 janvier 1891 dans la ville de Lun Zhou de la province du Hebei et décédé le 10 février 1974 à Shangaï. Initié aux méthodes traditionnelles de l’étude des arts martiaux dès la petite enfance, le style externe du Mi Zong lui fut enseigné successivement par ses oncles Jiang Ji-Tai et Chen Yu-Shan, tout en accédant en parallèle au titre de Jinchi et en se trouvant reçu à l’issue du dernier examen impérial.
C’est à partir de 1915 qu’il débuta l’apprentissage du Xing Yi Quan et du Ba Gua Zhang, grâce à l’enseignement du grand maître et célèbre fondateur du style Xing Yi Ba Gua, Zhang Zhaodong, dont il devînt l’un des meilleurs élèves et auprès duquel il demeura vingt ans.

Jiang Rong-Qiao
Jiang Rong-Qiao

Il faut se souvenir que les préoccupations de ce début du XXème siècle visaient à revigorer la puissance nationale, y compris à travers l’optimisation du potentiel des corps et des esprits. Ainsi plusieurs bonnes intentions et maîtres réunis contribuèrent financièrement à la fin des années 20 à la création d’une association d’enseignement du Wushu. Rencontrant toutefois trop de difficultés, maître Jiang, à qui avait été confié la responsabilité de sa direction générale pédagogique, se mit à rédiger une longue série d’ouvrages dont les recettes eurent pour objectif d’assainir sa trésorerie.

Fort de sa réputation déjà acquise, il fut aussi appelé à rejoindre le bureau de l’Organisme Central des Arts Martiaux, pour sa part financé par l’Etat et créé en 1926. Pendant douze ans, il fut missionné pour établir plusieurs de ses extensions au sein de plusieurs villes et provinces, définir les exigences des règles des compétitions et former leurs juges. Il poursuivit aussi de proposer quantité de livres, dont on dit que leur production sur cinq ans correspondrait à l’écriture de l’équivalent de cinq cent millions de caractères.

On se souvient de maître Jiang Rong-Qiao comme quelqu’un d’honnête et animé d’une éthique chevalseresque. L’un des faits témoignant de cette attitude relate l’épisode où il fut témoin de l’agression de chinois par une huitaine de Russes aux allures de colosses en octobre 1920. Retirant sa veste, il exigea d’un ton réprobateur que l’un d’eux justifie la raison d’un tel comportement, avant que ce dernier n’eut pour seule réponse de tenter d’asséner un autre de ses coup de poing cette fois en sa direction. La réaction de celui qui n’était encore qu’un simple employé des chemins de fer de Jin Pu consista à intercepter et dévier légèrement l’assaut, tout en abattant le tranchant de la paume de son autre main contre le visage de la brute aussitôt à terre, laissant apparaître la bave qui s’échappait désormais de sa bouche entre-ouverte. Ne tardant pas à subir les attaques groupées des autres agresseurs, Maître Jiang sut conserver de nouveau son calme tandis qu’il usait des pas du Ba Gua Zhang pour les esquiver ; se faufilant par la même occasion entre eux de manière à les atteindre sur les côtés et dans leur dos, son adaptation rapide et insaisissable fut alors suffisamment convaincante pour les inciter à prendre la fuite.

Devenu en 1943 maître conférencier de l’université de Wan Nan, au Sud de la province de An Hui, il décida trois ans plus tard de se libérer de cette charge pour se consacrer encore davantage à l’écriture de manuels ou même de romans rattachés au Wushu, parmi lesquels son historique, car précurseur, Ba Gua Zhang qui fit ensuite l’objet de nombreuses rééditions.
Dispensant son enseignement pendant les dernières années de sa vieillesse au parc Hongkou de Shangai, la cécité désormais importante de sa vue nécessitait que son épouse l’accompagne pour regagner son domicile et qu’il se fit assister d’anciens élèves pour aider les plus jeunes. Mais derrière ces apparences de vieillard sur le déclin, Maître Jiang semblait soudain étrangement aussi vif et agile qu’un jeune homme quand il s’agissait de démontrer la fluidité et les principes des mouvements de son art. Autant de moments d’exception durant lesquels on pouvait donc admirer à quel point la souplesse et l’unité intérieure et extérieure de son corps exprimaient une vivacité d’esprit et une grâce à laquelle nous savons qu’il nous sera sans doute à jamais impossible d’accéder.